Édition du mercredi 24 mars 2004
Un agent technique de Villemomble pourrait n'être pas titularisé parce qu'il refuse de se tailler la barbe
Un agent technique de la piscine municipale de Villemomble (Seine-Saint-Denis) ne sera pas reconduit dans ses fonctions parce qu'il refuse de se tailler la barbe.
Mourad Lamsanes, agent technique à la piscine municipale de Villemomble, pourrait perdre l'emploi qu'il occupe depuis deux ans à cause de sa barbe, trop fournie aux yeux de la mairie. "Cela pose des problèmes de sécurité, j'ai l'obligation de protéger mes agents", argue le maire UMP Patrice Calmejane. Ladite barbe empêcherait en effet l'étanchéité du masque que doit porter le jeune homme quand il nettoie la piscine avec des produits dangereux, à raison de deux fois dix minutes par semaine.
Quand le directeur général des services lui a demandé de tailler sa barbe, lors d'une convocation en janvier, lagent a refusé pour des motifs religieux. Peu après, il a reçu une lettre signée par le maire indiquant qu'il ne se verrait pas titularisé.
Or à aucun moment, pendant ses deux ans à la piscine, Mourad, dit-il, n'aurait eu de réflexion à ce sujet. "Sa barbe a poussé", dit le maire, qui regrette à plusieurs reprises que la langue française désigne par un même mot toutes sortes de barbes. «Vous avez la barbe à la Gainsbourg, et celle des sikhs, par exemple, qui tombe jusqu'au ventre», explique-t-il.
Mais si l'agent n'est pas reconduit pour motif de sécurité, en l'occurrence l'étanchéité du masque, pourquoi ne pas lui avoir signalé que les lunettes, qu'il utilise parfois pour les opérations de nettoyage, étaient également incompatibles, comme il est écrit dans la notice d'utilisation ? «Vous avez les lunettes à la Michou, et les lunettes avec des petites montures, qui ne menacent pas l'étanchéité», répond le maire. Sur ces aspects techniques, l'intéressé affirme que «cela n'a jamais posé problème. Je porte la barbe depuis un an et demi, et je ne sens pas les produits, tout va bien».
La question religieuse est balayée d'un revers de main par Patrice Cajemane : «Je ne tiens pas une église mais une mairie. Je n'ai pas à juger de la religion de X ou Y. Ce monsieur veut nous amener sur ce terrain-là ; c'est son choix, pas le mien.»
Pourtant, dans la lettre qu'il a adressée au jeune homme, en février, le dernier paragraphe est sans ambiguïté : «Par ailleurs, l'expression extérieure d'une conviction religieuse ne peut être tolérée dans une piscine municipale ouverte à tout public et au sein de laquelle sont dispensés des cours de natation aux élèves d'établissements scolaires publics et privés professionnels.» De là découlent les doutes de l'agent sur la véracité du motif de sécurité invoqué par la mairie. Sous cet angle, l'affaire rappelle les propos du ministre de l'Éducation, Luc Ferry, qui proposait à l'Assemblée nationale d'interdire le port de la barbe en tant que «signe ostentatoire d'appartenance religieuse ou politique». Une proposition qui avait alors provoqué un tollé et qui navait dailleurs pas été reprise dans le texte définitif de la loi «laïcité».
Or, font valoir les syndicats qui défendent lagent, «la loi stipule qu'«aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses».
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